Témoignage du soldat André

  Origine:

 
 « Le 6 juin 1956, j’ai été appelé à l’âge de 19 ans pour aller faire les classes de 4 mois.
A cette âge là, je voulais aller dans la marine, donc on m’a fait aller à Cambrai. Arrivé là bas, on m’a demandé dans quel régiment je voulais aller. J’avais entendu dire qu’il y avait un grand manque parachutistes. Donc j’ai décidé de rentrer dans ce régiment sans savoir vraiment comment ça se passait. 
La formation pour les parachutistes était très dur, un entraînement coriace : la tour oblique de 23 mètres de haut qu’on devait grimper, les sauts de parachutes alors que nous n’avions jamais fais ça de notre vie…. D’ailleurs il y en a un qui en est mort lors d’un saut, sauf que lui n’avait pas mis son parachute obligatoire dans l’avion.
 J’ai fais la grande Kabili et la petite Kabili. Dans ma troupe, on ne savait pas ce qu’était qu’une ville ; nous nous posions dans une ville pour nous reposer 8 jours et repartir de suite.
On ne nous demandais pas si on était fatigué ou pas, mais seulement de faire comme nos « frères » ( tout le régiment). 
Dès le début, on nous a dit : Tuer l’ennemi ou c’est lui qui vous tue !!! »

 

  Condition :

 
« Nous n’avions pas de camps, étant donné que nous étions en permanence en opération donc en mouvement. 
Donc au niveau de la nourriture il fallait qu’on se débrouille avec ce qui nous entourait. Notre passe temps favoris était devenu la chasse pour que l’on puisse manger ; à chaque fois que l’on voyait un bourricot on le tuait systématiquement, et il faisait parti du repas du soir.
Des fois nous rencontrions des camps avancées dans les montagnes, mais étant isolé, ce camp n’était approvisionner qu’une fois dans le mois, et c’est là que des fois nous pouvions manger un repas qui ne venait pas directement de la nature.
Tout au long de nos marches interminables, nous portions une pointe pour se mettre sur le dos, fallait mieux se mettre à quatre pattes pour pouvoir faire une tente lorsqu’il pleuvait.
Pendant toutes les opérations en montagne, nous n’avions pas pris de douche.
Les opérations devenaient de plus en plus difficiles et la fatigue se faisait sentir de plus en plus. Pour tenir le coup, il y avait la « Select 802 »: la fameuse boisson. Le commandant nous réunissait tous en ligne et en file et nous faisait boire un liquide dans une petite bouteille. Quand on prenait ça on était aussi fort qu’un taureau !! Sans ça comment vouliez vous qu’on monte dans les montagnes et qu’on effectue les opérations correctement!

 
Nous étions peu souvent dans les villes pour se reposer : en 24 mois et demi, j’ai dû faire quinze jours en tout dans les villes c’est tout. Des fois on arrivait à peine dans une ville qu’on repartait aussitôt. Mais lorsque que nous y restions c’était l’euphorie. 
C’est là qu’on a eu des bons moments durant cette guerre. C’est vrai que la bière coulait à flot. Des fois on pouvait se promener « à poil » dans les rues de la ville sans savoir comment. C’était la « java » lorsque nous étions en ville, on se défoulait des moments passés en opération
Au sein même de notre groupe, nous étions tous solidaire, dans la joie comme dans la misère. Je me souviens de Georges qui venait d’une famille nombreuse et un peu pauvre. Il envoyait ses soldes à sa famille et il ne lui restait plus rien lorsqu’on était en ville. Mes camarades et moi-même avions vu ça et sans le gêner, on lui disait de venir s’amuser avec nous ; on l’invitait et payait à tour de rôle. » 

 
Fait marquant :

 
  « Lors d’une opération, les troupes du FLN nous ont pris en embuscades. Nous étions encerclés par cette troupe de tous les côtés. Nous nous sommes battus comme jamais, et avions tué un certain nombre. Cependant, j’avais un camarade dans mon régiment de parachutiste qui était mal placé pour le combat. Il a pris une balle. Je l’ai vu mais ne pouvais rien faire. Ce camarade est mort dans mes bras. 
Ce genre de choses faisait grandir la haine envers ces personnes, qui nous avaient rien fait personnellement au tout début. Et dans ce cas, c’est le sentiment de revanche qui domine en nous : le commandant nous réunissait tous et disait : « j’espère que tout le monde a sa boîte d’allumette…. OPERATION ALLUMETTE !!» et on avait compris.  
Nous n’avons pas seulement tué pendant nos opérations. Il fallait sauver les vies des algériens qui étaient attaqués par les membres du FLN.
En entrant dans un village attaqué par ces terroristes, j’ai découvert avec mes compagnons le massacre de tout un village. Les écoles étaient détruites et il ne restait aucun survivant. J’ai pu apercevoir deux enfants qui s’étaient cachés sous les débris, je les ai récupérés et je suis sorti du village. Je les ai emmenés auprès de mon lieutenant (un bon père de famille) qui m’a dit qu’il n’était pas question de les laisser sur place et que nous les emmenions avec nous : J’avais sauvé deux gosses et j’étais heureux ! »

 
L’après guerre :

 
« Je suis rentré un peu avant l’indépendance de l’Algérie. Etant maçon, j’ai voulu reprendre le boulot dans l’immédiat pour gagner de l’argent car j’en avis besoin pour mon mariage. La première chose que mon patron m’a dit est « Que Dieu soit loué, tu n’as rien! Tu reprends le travail quand tu veux ». Mais j’ai du reprendre quinze jours après mon retour, c’était la règle.
Mais l’argent de mon salaire m’a bien servi. On avait 30 centimes par jour lorsqu’on était en guerre ; on avait notre salaire (le pactole) et la prime de risque. Moi, j’ai obtenu 72000 anciens francs là bas. 
J’ai pu me marier avec une femme que j’ai rencontrée juste avant de partir en guerre et à qui j’ai demandé sa main : elle m’a attendu tout le long. »

 

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