Témoignage d'Algérie du soldat Guy

  Origine

  « Je suis d’origine Normande par le biais de ma mère. Mes grands parents sont de L‘Orne.   J’étais dans la mécanique, j’étais tournant fraiseur ; donc j’étais dans l’usinage dans l’industrie d’acier. J’ai été appelé en 1961. Je n’étais pas du tout au courant de ce qu’il se passait en Algérie. On travaillait, on allait au bal danser le samedi soir, sans se soucier réellement de ce qui se passait en Algérie, car ce pays était loin physiquement et mentalement.

 

  Ainsi je suis parti directement en Algérie en mars 1961 sans savoir réellement ce qu’il adviendrait de moi. Je ne savais qu’une chose, c’est que je suis parti avec mes compatriotes pour « pacifier » l’Algérie ; c’était le mot clé pour notre départ en Algérie.

  Arrivé là bas, j’ai fait mes 4 mois de classe normale durant laquelle j’ai appris a tiré avec des chars blindés ; j’étais devenu tirailleur. Mais tout au long de mes classes, on nous répétait que nous allions pacifier l’Algérie, nous ne savions toujours pas que nous allions nous battre vraiment. Dans ma troupe, nous étions tous jeunes, donc nous ne nous rendions pas réellement compte de ce qui se passait hors d’Alger. J’entendais bien que ça pétait à droite et à gauche sans pour autant m’en soucier. A tel point qu’une fois j’ai accepté de monter la garde SEUL devant le palais de justice à Alger : il faut être fou ou inconscient de ce qui se passait pour le faire. Et moi j’étais dans le deuxième cas. » 

  Condition de vie :

  « J’étais dans un camp où tout était organisé et très encadré. Nous étions bien servis au niveau de la nourriture avec de bons repas préparés par notre cuisinier. A chaque fête, le commandant nous donnait un menu spécial et bien garni. La bière était très présente aussi, elle était la seule boisson qui nous faisait tenir le coup des fois. Le seul inconvénient au sein de mon camp était qu’il fallait tenir à quarante dans une seule chambre. Donc au niveau de la cohabitation, il fallait être très solidaire. »

   

  Objectif de la guerre :

  « Notre devoir était de pacifier l’Algérie, et ce message on l’a entendu bien souvent. Donc dans ce sens, nous devions être respectueux envers les habitants du pays ; des fois on l’était même trop. Une fois, nous devions interpeller un homme qui aidait le FLN à faire les attentats. Notre commandant, qui voulait à tout prix faire passer le message de la pacification, en arrivant à la porte du suspect, a frappé à la porte et s’est présenté. L’homme l’a bien entendu et s’est échappé par derrière par un chemin que l’on avait pas repéré.

  Nous étions ici pour rendre la paix et non faire la guerre ou voire voler. Les poules qui étaient dans les cages des habitants ne pouvaient pas être volées sans que notre commandant ne nous engueule.

  J’ai quand même dû utiliser l’auto mitrailleuse lorsque nous étions attaqués. Et cela arrivait très souvent. J’ai perdu des camarades à cause de ces attaques. »

  Les problèmes internes :

  « Même si nous nous entendions bien au sein des différents camps dans lesquels j’ai pu aller, il y avait des problèmes internes : il y avait des brebis « galeuses ».  Un jour d’opération, nous avons fait prisonnier un « collecteur de bombes » (les membres du FLN qui transmettaient des messages et transportaient de l’argent), et on l’a emmené à notre poste de garde qui était dans un village. Ce prisonnier était attaché par les pieds. Lorsqu’il était dans le besoin,  je lui donnais de l’eau et lui donnait à manger. Par contre un compagnon de camp ne faisait pas que lui donner à manger, il lui donnait des coups, et j’ai assisté à cela ! Je me suis battu avec lui pour ce qu’il lui faisait. Malheureusement, selon mon lieutenant, j’avais tord et j’aurais dû laisser faire et ne pas en prendre partie. Donc nous n’étions pas toujours en accord avec nos compagnons, ni avec nos lieutenants ; ce qui pouvait créer une tension dans le camp. »

 

 

   

  L’après guerre :

  « A la fin de la guerre, au moment de l‘armistice, j’ai refusé un ordre. Au moment de l’indépendance, nous avions pour mission de patrouiller en ville sans armes pour renseigner le sous préfet qui était algérien de tout ce qui pouvait être suspect. En gros, nous devions aider les membres du FLN, contre qui nous avions combattus avant. En plus, il restait toujours les « pro-français » qui voulaient toujours se battre pour ce qu’il considère comme leur terre. Donc j’ai pas trop compris en quoi consistait l’ordre et je ne voulais pas prendre de risque à sortir sans armes, par conséquent j’ai refusé l’ordre au général. Alors là, j’ai eu droit à l’incitation à la discipline, passage au tribunal militaire, demande de cassation et tout ce qui s’en suit. Néanmoins, on m’a redonné mon grade en 1967. Malgré tout ça, on a trouvé le moyen de me donner mon certificat de bonne conduite !!  En rentrant chez moi, j’ai repris un travail quinze jours après dans une autre entreprise. »

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :